FEMIS - Les 208 Films qu'il faut avoir vu

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Created by remyg.

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Cette liste n’est pas un palmarès, ni en aucun cas la liste des 208 meilleurs films de l’histoire du cinéma. Sa visée est tout autre. 208 films, c’est 1 film par semaine pendant 4 ans, c’est-à-dire un rythme de croisière tout à fait raisonnable pour un élève de la Femis, qui a choisi de faire du cinéma son métier. Nul ne saurait évidemment s’en contenter.

Quel est le sens d’une telle liste ? Un jeune homme ou une jeune femme qui aurait vu (vraiment vu, c’est-à-dire médité, discuté, car voir sans laisser résonner ce que l’on a vu n’est pas voir) ces 208 films aurait une solide idée de ce qui l’a précédé dans le cinéma depuis que celui-ci existe. Cette liste nous semble dessiner une carte des œuvres et des cinéastes indispensables à qui veut se repérer dans un univers où il se prépare à entrer.

La visée de cette liste est moins d’histoire (au sens propre du terme) que de culture cinématographique. Aucun peintre ne peut faire l’économie des grandes œuvres qui l’ont précédé. Il en va de même au cinéma : il importe au plus haut point de connaître ce dont le cinéma a été capable avant son propre engagement, de quelque ordre qu’il soit, dans cet art.

La cinéphilie a toujours eu partie liée avec un goût pour la liste en tant qu’elle est provisoirement close et exclusive, donc objet possible de discussions passionnées. Toute liste est par définition contestable. Celle-ci a été élaborée en concertation avec les directeurs de département de l’école, la directrice des études, son directeur et son président. Chacun pourra néanmoins s’étonner ou s’indigner de tel ou tel manque, de tel ou tel choix. C’est aussi l’intérêt d’une telle liste de pousser chacun à comparer avec SA liste idéale, à chercher les absences à ses yeux scandaleuses. Cela permet de faire le point sur sa propre planète de cinéma imaginaire, de mieux cerner la cartographie de son goût propre.

Cette liste assume sereinement les distorsions perspectives issues du fait qu’elle est établie à un moment donné (2008), en un point donné (La France), pour des destinataires précis (les élèves de la FEMIS), avec une part normale de subjectivité. Personne ne vient du ciel d’une Histoire du cinéma aux valeurs immanentes. Elle a été établie avec beaucoup de scrupules, doutes, repentirs, à partir de celles que nous ont été communiquées au moment de son élaboration, mais toujours en gardant en tête son objectif d’auto-culture pour des jeunes gens qui se destinent à la création cinématographique, à quelque poste que ce soit.

Il ne s’agit en aucun cas des films les plus aboutis de chaque cinéaste. Le choix s’est plutôt porté sur les films où le cinéaste affichait sa plus grande singularité, où était le plus sensible sa musique personnelle, ou encore le film où il venait de découvrir sa place dans le cinéma et son possible apport personnel. Il est toujours plus intéressant pour un apprenti d’observer le moment où un cinéaste s’est trouvé plutôt que celui où il a commencé à maîtriser calmement ce qu’il avait trouvé. Le choix s’est toujours porté sur ce qui nous a semblé être les films les plus profitables à un apprenti en cinéma d’aujourd’hui.

Choisir un film de Jean Renoir, de Fritz Lang, d’Orson Welles ou de Godard est aussi absurde que choisir un tableau de Picasso dans un siècle de peinture, surtout pour les cinéastes qui ont traversé des périodes radicalement différentes du cinéma, par exemple du muet au parlant pour Buñuel ou du cinéma européen au cinéma américain pour Lang. Il va de soi que le film choisi vaut comme simple indication emblématique, et que l’on ne saurait se contenter, pour les grands cinéastes, de voir un seul de leurs films.

Le cinéma français a la part belle dans cette liste puisqu’après tout c’est dans cette généalogie que la plupart des élèves de la FEMIS, quel que soit leur département, vont avoir à trouver leur place et inscrire leur travail. Le cinéma des trente dernières années y occupe une place de choix dans la mesure où il est le plus prégnant dans la constitution d’une pensée actuelle du cinéma.

Il y a des films qui aident à vivre (ceux-là, rares, on les trouve tout seul) et les films qui aident à créer (ceux-là répondent à d’autres critères, et on ne les croise par toujours au bon moment, quand on en aurait besoin). Les avoir repérés avant peut être d’un grand recours. Voir de tels films, quand on s’apprête à travailler dans le cinéma, déclenche des idées, des réflexions, des comparaisons, des envies, des pulsions et répulsions de cinéma. Rien n’est plus volatile que ces idées de traverse. C’est aussi une fonction de cette liste : susciter l’envie de noter à chaud et pour soi, sur chaque film vu, ces idées de traverse. Nul doute que ces notes d’apprenti sur les œuvres du passé ne deviennent à la longue un outil précieux de repérage de soi, de ses goûts et dégoûts, des grandes lignes de force de son idée de cinéma. Et il n’y a pas de bon cinéma, pour quiconque y travaille, sans une idée forte du cinéma.

Alain Bergala (2008)

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